Notez bien comme le titre de cet article est l'archétype du titre bateau que vous ne devriez pas utiliser!
Dans cet article, je vous jette pêle-mêle (mais trié dans l'ordre quand même) quelques idées, mise en garde et précisions qui pourront vous aider, pour finir cette série d'articles sur le commentaire d'arrêt !
Abréviations : Très utiles, parce qu’elles permettent
d’alléger vos phrases, il ne faut pas en abuser, et se limiter aux plus
connues et aux abréviations légales. Surtout, il faut les introduire lors de la première utilisation, par
exemple « Dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL) »,
ensuite vous pourrez utiliser SARL à volonté. Ne créez pas les vôtres, même si
vous les introduisez au début, le correcteur n’a pas envie d’apprendre vos
raccourcis pour le peu de temps qu’il va passer à vous corriger (par exemple
pas de SADCS pour « Société anonyme à directoire et conseil de
surveillance », car personne n'utilise ça).
Brouillon : J’ai toujours admiré les gens qui avaient
le courage de rédiger l’intégralité de leur commentaire au brouillon, pour le réécrire
ensuite. Si vous avez l’habitude de le faire, et que vous écrivez vite,
faites-le, pour ne pas changer vos habitudes. Mais si vous ne l’avez jamais
fait, ne vous lancez pas là-dedans, vous ne finirez jamais à temps.
Au minimum, vous devez faire votre
plan au brouillon avec les titres ; l’introduction peut être rédigée au
brouillon également si vous avez peur de démarrer de travers et que vous ne
voulez pas faire de grosses ratures moches sur votre feuille. Plus, ça devient
difficile à gérer au niveau du temps.
Code : Vous en aurez un ou deux le jour de l’épreuve,
et ils sont à manier avec précautions pour un commentaire. Ne vous y jetez pas
dès le début de l’épreuve, vous faites un commentaire d’arrêt, donc commencez
par lire l’arrêt. Ensuite, regardez dans votre Code si l’arrêt que vous allez
commenter est cité sous les articles correspondants, ça vous donnera une bonne
indication de sa valeur. Enfin, vous pouvez aller y piocher quelques éléments
pour préciser vos connaissances, des jurisprudences parallèles ou divergentes,
mais par pitié, n’allez pas y piocher des idées pour votre commentaire ou des
jurisprudences au hasard (voir Jurisprudence).
Développements : Les arguments que vous apportez à
l’appui de vos idées principales. C’est là qu’il faut faire court et efficace,
pour expliquer clairement ce que vous voulez dire. C’est aussi là que doivent
s’exprimer vos connaissances et votre analyse.
Exemples : Il est toujours assez compliqué de donner
des exemples dans un commentaire d’arrêt, parce que cela donne très vite
l’impression de s’éloigner de l’arrêt lui-même. Je pense qu’ils sont plutôt à
réserver pour les dernières parties de votre commentaire, qui sont normalement
plus ouvertes, et de les utiliser pour illustrer certains risques ou opportunités
liés au changement de droit présenté dans l’arrêt. Si vous souhaitez en
prendre, prenez les courts, simples et parlants ; il ne faut pas qu’ils
vous prennent plus de 2 lignes à expliquer, grand maximum.
Fiche d’arrêt : Probablement la partie la moins intéressante
du commentaire, parce qu’elle doit être un résumé factuel de éléments de l’arrêt
(voir l’article dédié pour le détail). Prenez le temps de bien la faire, et
dans la mesure du possible, commencez par y penser avant même votre plan, vous
aurez ainsi bien en tête le contenu de l’arrêt et son contexte judiciaire, ce
qui vous mettra à l’abri du hors-sujet. Au moins un peu.
Garder le fil : Certes, il est très important d’avoir
un bon plan avant de commencer à rédiger votre commentaire. Mais il est encore
plus important de le suivre lors de la rédaction ! Vous pouvez avoir
l’impression au moment de la rédaction que vous avez fait des erreurs
d’analyse, ou que vous pourriez optimiser votre commentaire. A moins de vous
rendre compte que vous avez fait une grosse, grosse erreur, ne changez rien.
Tout simplement parce que cela vous prendra pas mal de temps, au risque de ne
pas finir, et parce qu’il n’y a globalement pas de raison que vous ayez de
meilleures idées en plein milieu de votre rédaction que pendant le temps que
vous avez consacré à l’analyse. Donc une fois que vous attaquez la rédaction
pure sur la base de votre brouillon et de votre plan, tenez-y-vous.
Hauteur : Il vous en faut au moment de la rédaction du
commentaire. Ne vous laissez pas prendre dans le contenu direct de l’arrêt,
commenter c’est analyser et compléter par rapport à l’ensemble du droit qui
entoure l’arrêt, il ne faut donc pas prendre tout ce qui est écrit dedans pour
argent comptant. Cela sera notamment important au moment où vous porterez un
œil critique sur l’arrêt, avant de le dénoncer comme le pire arrêt du monde,
très dangereux ou immoral (ou l’inverse d’ailleurs), prenez un peu de recul
pour nuancer votre appréciation, au risque d’avoir l’air totalement incapable
de contextualiser aux yeux de votre correcteur.
Insécurité juridique : Notion inutilement vague et
vaguement inutile qui sert de béquille bancale à de nombreux étudiants en panne
d’idée lorsqu’il faut critiquer un peu un arrêt. Je m’explique :
l’insécurité juridique peut éventuellement exister, mais elle depuis pas mal de
temps reprise à toutes les sauces à la moindre variation du droit. De façon
générale, un changement de droit n’entraine de l’insécurité juridique que pour
ceux qui ne l’ont pas compris ou ont peur de se faire une opinion. Je ne vous
interdis pas d’utiliser l’expression, mais si c’est pour vous borner à dire
« Y a de l’insécurité juridique, la règle a changé alors qu’on était pas
prêt, du coup on est tout perdu ! », je vous le déconseille (voir
aussi Vide juridique).
Jurisprudence : Vous devrez en mettre dans votre
commentaire, c’est absolument nécessaire puisque selon les domaines du droit,
la jurisprudence peut avoir un rôle majeur dans la définition des règles de
droit. Attention à quelques petites choses : citez le plus possible des
arrêts que vous maîtrisez, ça vous évitera de dire des conneries, et ça vous
permettra de mettre deux trois mots à propos de la décision au lieu de
simplement le balancer entre parenthèses.
Surtout, surtout, n’allez pas
piocher au hasard une JP dans un code, en ajoutant les références telles
quelles (notamment la note d’une revue juridique, que bien sûr vous n’avez pas
lu) ; l’effet sur le correcteur est terrible, puisque cela ressemble très
fortement à une tentative d’escroquerie.
Longueur : Ce n’est pas la taille de votre commentaire
qui compte. Globalement, il faut compter entre 6 et 10 pages (voir 12, si vous
avez beaucoup d’idées), ça me semble à peu près correct. En dessous de 6, ça
parait compliqué (1 page d’intro, 1 page par partie, 1 page cumulée de titres
et transitions). Au-dessus d’une douzaine, ce sera en général un peu fouillis,
et probablement avec des développements assez faibles : restez condensé
pour rester pertinent de bout en bout.
Mise en forme : Je me rappelle d’une camarade qui
passait l’examen d’entrée au CRFPA en même temps que moi, et qui se trouvait à
la table devant la mienne. Au début de l’épreuve elle a demandé à sa copine qui
était à côté « Tu sais si on a le droit de souligner les titres en
rose ? ». Bon, dans ce cas précis, c’était peut-être un peu exagéré
comme idée. Mais la mise en forme de votre commentaire, notamment les titres,
est importante pour mettre en valeur votre texte. Pensez à sauter une ligne
entre chaque paragraphe, et entre les titres et les paragraphes. Soulignez les
titres pour les distingues, plutôt dans la même couleur que le reste du texte,
ce n’est pas une œuvre d’art non plus.
Nous : L’une des solutions possibles pour écrire votre
commentaire est d’utiliser le « nous » : « nous
verrons », « nous pensons », « nous voyons donc »…
Mais ce n’est pas très léger comme présentation. Les autres options sont le
« on », mais ce n’est pas vraiment mieux, c’est un peu familier comme
construction pour un commentaire ; le « il », avec parfois des
tournures de phrases passives, type « il sera vu », « il est
donc possible », « il faut noter », qui reste pour moi la
solution la plus facile à mettre en œuvre et la moins casse-gueule. Le
« je » est à proscrire, de même que s’adresser au correcteur avec un
« vous ».
Originalité : Avantage et piège. Il faut essayer d’être
original dans votre commentaire, mais pas à tout prix. Ne développez pas des
thèses totalement irréalistes ou sans fondement, ou des interprétations
ultra-minoritaires qui ne sont soutenues par rien. Par contre, je vous
encourage à proposer des interprétations plus originales que celles qui sont
communément reprises dans les cours, si vous pouvez les étayer avec des
éléments de réflexion, de doctrine, voire de jurisprudence si vous en avez.
Essayez de le faire uniquement sur des éléments que vous maîtrisez bien, mais
surtout n’hésitez pas à le faire si le sujet donné correspond à des choses que
vous connaissez très bien et sur lesquelles vous avez une opinion argumentée.
Plan : Je vous renvoie à l’article correspondant pour
en faire un bon. N’oubliez pas son importance cruciale, c’est comme la
devanture d’un resto, si ça ne vous plaît pas, même si c’est la meilleure
bouffe du monde à l’intérieur, vous n’entrerez pas. Et les correcteurs ont
énormément de copies à corriger, ils ne vont pas faire plus d’efforts que ça à
chaque copie simplement parce que peut-être que le contenu vaut plus que ce que
le plan et les titres laissent penser.
Question de droit : Au risque de me répéter, il est
fondamental d’identifier correctement la question de droit qui est le sujet de
l’arrêt. Si vous passez à côté, c’est tout votre commentaire qui sera très
probablement hors-sujet. Donc prenez le temps de le faire correctement.
Répétitions : Le fait d’utiliser plusieurs fois la même
expression dans un texte, de façon proche. C’est laid dans un roman, c’est
parfaitement normal dans un commentaire d’arrêt. Ne cherchez pas à les éviter
en utilisant absolument des synonymes, parce qu’en droit nous avons un mot pour
chaque concept, rarement plus. Le risque est donc de vouloir diversifier la
forme et de faire une erreur de fonds.
Style : A moins que vous n’ayez, avant vos études de
droit, reçu le prix Pulitzer ou le prix Goncourt (ou le prix Femme Actuelle,
pour ceux qui ont des lectures plus légères), vous n’avez pas de talent ni
littéraire, ni journalistique, ne cherchez donc pas à en adopter le style de
rédaction. Le style juridique a ceci de particulier qu’il doit être direct,
précis et technique, et doit servir avant tout le fonds de votre commentaire.
Par contre, il est tout à fait
possible de s’inspirer des romans ou articles de presse pour la gestion de la
ponctuation ou des tournures de phrase, dans la mesure ou vous prenez des
auteurs qui sont connus pour avoir des styles assez direct et clair. Pensez
Maupassant plutôt que Proust.
Timing : La gestion du temps est primordiale dans tous
les examens. Si on parle d’un commentaire pour l’épreuve de spécialité (3h), je
vous recommande : 15mn de lecture attentive de l’arrêt, 45mn de définition
d’un plan détaillé (titres + idées importantes dans l’ordre), 10 minutes de
rédaction d’introduction (car l’intro est très formatée, donc rapide), puis 25
minutes par partie, et enfin 10 minutes de relecture.
Dans le cas d’un commentaire lors
de l’épreuve de réflexion juridique (Droit des obligations + procédure, 5h,
répartie ici moitié-moitié), comptez : 10 minutes de lecture, 40 minutes
pour faire votre plan détaillé, 10 minutes pour l’introduction, puis 20 minutes
par partie et 10 minutes de relecture.
Les parties de
« réflexion » (lecture et création du plan) ne doivent pas être
compressées : utilisez ce temps au maximum, car il ne peut être que
bénéfique. Si vous terminez les étapes un peu plus vite que prévu, utilisez ce
temps pour la relecture. Mais une fois que vous vous êtes relu, n’hésitez pas à
partir de la salle, vous n’allez rien rajouter entre les lignes de toute
manière.
Unique : Un commentaire d’arrêt doit être unique, dans
le sens qu’il ne doit pas être interchangeable, ni dans ses développements
évidemment, mais non plus dans ses titres ou son organisation générale, avec
n’importe quel autre commentaire qui porterait sur un sujet voisin. Vous pouvez
utiliser le plan-type que je vous ai donné, car il peut s’adapter à presque
tous les arrêts. Mais c’est bien de l’adaptation, et non du décalquage. Le
risque est que votre commentaire paraisse totalement insipide, et donc pas intéressant,
ce qui vous fera une note, certes pas catastrophique, mais décevante.
Vide juridique : Encore pire que l’insécurité juridique (voir au-dessus), puisqu’ici j’ai de
vrais arguments pour vous décourager d’utiliser cette expression. Le vide juridique
n’existe pas en droit français, puisque tout juge saisi d’une question de droit
dans le cadre de sa compétence devra la trancher. Il n’y a, à la limite, que
des questions de droit dont l’issue n’est pas certaine parce qu’aucun juge n’a
encore tranché exactement la même question. Mais ça ne veut pas dire qu’il y a
un vide juridique ! Au contraire, une grande partie du travail des
juristes et avocats est bel et bien de faire un travail de réflexion sur la
solution que pourrait rendre un juge, éventuellement en estimant les
probabilités de chacune des options. Mais il n’y a pas de questions qui ne
puissent avoir une réponse en droit.
Invoquer le vide juridique est
donc une faiblesse d’esprit que je vous déconseille fortement d’employer, parce
que la plupart du temps il s’agit soit d’un manque d’esprit prospectif, soit
d’une timidité à l’idée de porter une solution qui n’est pas encore passée dans
le droit positif.
Wing it! : Équivalent en anglais de l'expression "Y aller au talent". Ce n'est évidemment absolument pas recommandé, mais il est tout à fait possible que malgré vos révisions, vous tombiez sur un sujet que vous ne connaissez absolument pas. Il ne faut absolument pas que ça influence votre méthode ! Si l'épreuve peut être résumée à 50% de connaissances pures, et 50% de méthode et d'application, vous avez encore de quoi vous battre pour récupérer des points. Donc si vous vous retrouvez malheureusement à devoir faire votre épreuve au talent, prenez ça comme un challenge, sinon vous allez vous pourrir tout seul.
X : (croix) Détail purement pratico-pratique, au cours
de la rédaction final de votre commentaire, je vous conseille de barrer chaque
élément de votre brouillon une fois que vous l’avez mis sur votre copie finale.
Cela vous permettra de voir votre avancée et de confirmer que vous avez bien
évoqué chaque point de votre brouillon.
Y voir clair dans les termes techniques : (oui je sais
ce n’est pas terrible, mais des mots qui commencent en Y j’en connais pas
tellement) Votre commentaire va souvent s'articuler autour de 3/4 notions clefs, qui seront souvent évoqués dans l'arrêt. Faites bien attention à les identifier correctement dès le début, à bien voir leurs différentes qualifications, et à ne pas en changer au milieu de votre commentaire. Ça vous évitera aussi de partir en hors-sujet, si vous maîtrisez bien le sujet de l'arrêt, ce qui passe par comprendre les termes utilisés.
Zone de vérité : En rugby, les 22 derniers mètres du
terrain, où pour avancer il n’est pas possible de tricher ou de faire semblant.
En commentaire, le moment où vous allez passer de la décision rendu à votre
plan de commentaire. Tout la méthode du monde (la meilleure, si vous avez lu
mes articles) ne remplacera pas une solide connaissance du droit et une
véritable capacité de réflexion. C’est à ce moment-là que se révélera votre
niveau « véritable », et vous devez l’avoir en tête pour ne pas vous
disperser.
Je pense avoir fait le tour de ce qu'il y a à savoir sur le commentaire d'arrêt, au moins sur la forme et la méthode, le fonds c'est à vous de le bosser !
On va pouvoir maintenant passer à des choses plus spécifiques à l'examen d'entrée au CRFPA : la note de synthèse ! (Pas que, mais c'est un gros morceau).
Alexandre
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