Si on pouvait tous se bloquer 9 mois pour préparer les épreuves du CRFPA, et seulement ça, je pense que la plupart des gens l'auraient. C'est d'ailleurs ce qui se fait plus ou moins en Allemagne, même si l'exemple est un peu biaisé car leur formation pour devenir avocat est très différente (détail notable : les candidates sont classés selon leurs résultats, avec un impact très important sur leur future carrière, ce qui fait que certains repassent même l'examen parfois, mais je digresse).
Mais en France, ce n'est pas le cas, en général vous enchaînez les révisions suite à une année universitaire qui, si tout s'est bien passé, s'est terminée aux alentours de la mi-mai.
Dans le domaine du droit
Ce sera sans doute le plus simple, et même un avantage pour la plupart, car le fait de pouvoir faire un stage dans un domaine que vous allez présenter au barreau est un atout indéniable : on se rappelle beaucoup mieux de ce qu'on pratique que ce qu'on ne fait que lire. Je distinguerai toutefois deux cas, qui ne proposent pas du tout les mêmes conditions de travail : le stage/emploi en entreprise, et celui en cabinet.
Dans tous les cas adapter ses révisions
Ceci est valable quel que soit l'environnement dans lequel vous réalisez votre stage/emploi, lorsqu'il est lié au domaine juridique : vous devez tenir compte de ce que vous faites dans votre stage ou votre emploi pour adapter le contenu de vos révisions.
Pour faire clair : ne passez pas autant de temps à réviser des choses que vous voyez tous les jours pour votre emploi, que les choses auxquelles vous ne touchez jamais. Ce serait une perte de temps colossale !
Au contraire, il faut bâtir sur ce que vous faites toute la journée pour en tirer le meilleur. Vous faites un stage dans le service Droit des Sociétés d'une grande entreprise cotée? Ne passez pas des heures sur le fonctionnement de la société anonyme, vous l'avez probablement intégré totalement. Vous êtes en stage dans un cabinet de contentieux? Allégez vos révisions sur les procédures et la preuve, et consacrer plus de temps au droit patrimonial, sur lequel vous aurez sûrement plus de choses à apprendre.
Pour vous parler encore de moi, pas par égoïsme, mais parce que la personne que je connais le mieux c'est moi-même, j'avais fait un stage dans un cabinet qui faisait de la propriété intellectuelle, et notamment beaucoup de mesures sur requête ou sur ordonnance pour des cas de contrefaçon. Eh bien, coup de bol, à l'écrit de procédure civile, est tombé un commentaire d'arrêt sur ce type de mesure. Je n'ai pas eu une très grosse note, mais je m'en suis sorti notamment grâce à ce que j'avais pu en apprendre dans le cadre de mon stage.
A l'oral, j'avais pris droit commercial, après avoir passé 9 mois en droit des sociétés dans une des plus grosses boites du CAC40, j'étais parfaitement calé sur le droit des sociétés. Bon, là manque de bol, j'ai eu la lettre de change, et c'est la personne derrière mois qui a pioché "La société anonyme". Mais au moins, j'avais gagné du temps à ne pas repasser sur le droit des sociétés, puisque j'en avais déjà une très bonne maîtrise.
Le stagiaire (ou salarié) en entreprise
Branleur pour les uns, planqué pour les autres, voire mobilier de bureau pour certains responsables d'équipes, le stagiaire en entreprise a cette chance d'avoir le plus souvent des horaires fixes et relativement légers. Le salarié, qui courageusement aura décidé de passer le barreau en parallèle de son activité professionnelle, a probablement plus de responsabilités que le simple stagiaire, mais pourra en cas de besoin se reposer sur le statut très protecteur du contrat de travail. Dans les deux cas, pour s'organiser efficacement, il faut prévoir à l'avance comment vont se dérouler les deux périodes importantes de l'année : les révisions et les épreuves.
Profiter du confort de l'été
En entreprise, en été, les bureaux sont vides, ils ne se passent pas grand-chose. Je généralise, mais d'expérience je sais que c'est vrai, surtout qu'a priori si vous êtes stagiaires ou salariés juniors, ce n'est pas à vous qu'on va confier les responsabilités quand les boss sont en vacances.
Vous allez donc avoir des horaires assez light, qui vous laisseront largement le temps de bosser le soir et le week-end. C'est déjà ça, mais il reste deux questions assez importantes et délicates :
Peut-on utiliser le matériel du boulot pour réviser?
Je vise d'un côté le matériel pur (stylo, feuilles, pochettes cartonnées), et le matériel juridique (code, manuels, revues juridiques, accès en ligne). Dans les deux cas, c'est risqué. C'est risqué parce qu'on peut comprendre assez facilement que votre employeur peut avoir des réticences fortes à ce que vous piratiez votre outil de travail pour votre bénéfice personnel. La seule chose que je peux vous recommander, c'est de ne toucher à rien dans le doute, et de demander gentiment à votre responsable si vous pouvez emprunter un manuel ou une revue pour vos révisions, ou une pochette cartonnée pour vos fiches.
Peut-on réviser sur son temps de travail?
Cela peut être très tentant aussi : en plein mois d'août, personne dans les bureaux, pas de dossier urgent, une journée passées sur ses cours ce sera toujours ça de gagné ! Oui mais, de la même manière, ça peut être mal vu par votre boss, et vos collègues. Surtout si ça laisse la possibilité de venir vous engueuler par la suite si vous faites une erreur!
Donc si vous avez des doutes sur l'accueil qui pourrait vous être fait si on vous trouve à réviser au boulot, soyez plus malins ! Concentrez-vous sur ce que vous pouvez réviser grâce à votre travail, demandez à être impliqué sur des sujets directement liés à vos révisions!
J'ai répondu à ces deux questions sous un angle purement pratique et relationnel, évidemment il y a beaucoup d'éléments de droit social qui traînent sur ces sujets. Mais ayez bien en tête que la plupart du temps, le droit social ne trouve à s'appliquer qu'après le licenciement, avant c'est plus souvent par la discussion qu'on arrive à quelque chose.
Préparer à l'avance son automne
Tout ça va dépendre beaucoup de votre relation avec votre supérieur, mais dans tous les cas, vous devriez en parler avec lui le plus tôt possible. Vous savez a priori déjà quand vont se dérouler vos examens écrits, et à peu près les plages dans lesquels vous allez avoir vos oraux. Même si on recule toujours à l'idée d'aller négocier ses absences ("Mais s'il me dit non, je fais quoi??"), il faut le faire vite : il y a peu de chance que votre responsable soit gêné s'il peut s'organiser avant.
Pensez aussi que lorsque vous avez une épreuve le matin ou le soir, c'est toute votre journée qui va être impactée. Vous vous sentez peut-être très fort, mais si vous comptez enchaîner les 3 jours d'écrits en faisant matin examen, et après-midi travail, vous allez au-devant de grandes déconvenues.
Pareil pour les oraux, en comptant aussi le fait que souvent, les heures de passages sont (très) aléatoires. J'ai vu des épreuves d'oraux qui avaient pris 2h30 de retard (Coucou les examinateurs qui arrivent comme des fleurs à 10h30 pour 9h, mais prennent quand même une pause-café!). Or, ajouter le stress d'être en retard à son poste, en plus du stress de l'examen, ce serait catastrophique.
Si vous êtes en entreprise au moment où vous passez vos examens, préparez votre calendrier tôt, et préparez le bien en vous laissant de la marge.
En cabinet d'avocats : se respecter avant tout
En cabinet d'avocat, surtout dans les gros cabinets, on se fait exploiter. Ce n'est pas dit méchamment, c'est un fait, on le sait tous, et je ne pense pas faire une révélation formidable. Si tout le monde l'accepte plus ou moins, c'est d'une part parce qu'on peut pas vraiment faire autrement, d'autre part parce que c'est le seul moyen de pouvoir toucher à des choses un peu intéressantes.
Mais à l'approche du barreau, si vous sortez de cab à 22h, vous n'aurez jamais la force de vous mettre aux révisions. Et si vous le faites quand même, vous allez vous crever et vous arriverez aux épreuves complètement crevé, donc inutile. Oui, parce qu'un con qui marche ira toujours plus loin qu'un malin qui dort sur sa feuille.
Donc de la même manière qu'en entreprise, arrangez-vous tôt avec le collab' ou l'associé qui vous supervise. S'ils vous font comprendre que vous n'aurez aucune marge de manœuvre, posez-vous les bonnes questions; pareil si votre cabinet cultive la coutume du présentiel débile qui donne l'impression d'être important et engagé (comme si la qualité ou la volonté se mesurait au chronomètre).
Il est possible que vous ayez l'impression que le stage dans lequel vous êtes est une opportunité unique, que vous ne pouvez pas laisser passer. Dites-vous bien que dans l'immense majorité des cas, c'est totalement faux. Si un cabinet vous a pris en stage avant votre entrée au CRFPA, il vous prendra après. Et les réseaux, en tout cas à Paris, ne sont jamais aussi larges que ce que les gens laissent entendre. De façon générale, la moitié des avocats parisiens ne peuvent pas blairer l'autre moitié; même si vous vous engueulez avec l'un des côtés, l'autre vous restera ouvert !
N'hypothéquez pas vos chances de réussir le barreau en vous tuant à la tâche, ou en vous pliant à des exigences qui pourraient gâcher votre préparation, car aucun stage en cabinet n'aura plus d'importance que le fait de réussir les examens.
Dans un domaine différent du droit
Être salarié ou stagiaire, ce n'est pas toujours et pour tout le monde juste l'occasion de pratiquer le droit, ou de rajouter une belle ligne sur son salaire. Pour certains, et à mon avis pour pas mal de gens, il s'agit d'une nécessité, pour payer son loyer, sa bouffe, ses bouquins, etc. Et malheureusement ça veut dire aussi que parfois il faut prendre des boulots qui n'ont strictement rien à voir avec le droit, et qui peuvent être très prenants.
Je ne vais pas vous mentir, ça va être dur. Passer la journée à servir des cafés, tenir une caisse, déplacer des caisses ou faire de la paperasse de bureau, ça ne vous laissera pas super motivé pour attaquer vos fiches le soir. Mais c'est tout-à-fait possible!
Encore une fois prévision et réalisme sont les points-clefs. Si vous arrivez à arranger votre emploi du temps, faites en sorte que ce soit réellement utile. Si par exemple, vous décidez de réduire vos heures, réfléchissez bien : vaut-il mieux une heure de libre en plus chaque soir? Ou une demi-journée supplémentaire par semaine? Vous travaillez mieux le matin ou l'après-midi? Vous préférez vous y mettre le soir en rentrant, ou le matin en vous levant?
Si vous en avez, posez vos congés avec intelligence également. Posez plutôt une journée entière qu'une demi-journée, si vous le pouvez, pour les épreuves, vous serez plus sereins et reposés.
Voilà, quelques paragraphes pour vous rassurer et vous conseiller un peu sur comment articuler un stage ou un emploi et la préparation des examens. Ayez bien en tête que c'est gérable, et que ça peut même vous aider, pour peu que vous faisiez attention à votre organisation et à votre préparation. J'ai fait des stages et occuper un emploi pendant ma préparation, et ça m'a plus aidé que desservi, mais aussi parce que mes responsables étaient tous des gens tout à fait compréhensifs, et qu'ils m'ont aussi soutenu.
Alexandre
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