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samedi 29 août 2015

Le fond du problème : le contenu de vos cas pratiques (3)




Je vous ai parlé de la mécanique profonde qui doit sous-tendre votre réflexion dans un cas pratique, maintenant on va voir les points importants à respecter lorsque vous rédigez effectivement votre cas pratique.

L’intérêt, et le côté (un peu plus) sympathique du cas pratique est qu’il vous place directement, de façon plus ou moins réaliste (plutôt moins que plus), dans la peau d’un avocat ou au moins d’un juriste qui fait du conseil. Il faut l’avoir en tête, car cela permet d’identifier assez facilement les points sensibles lors de la réalisation de l’épreuve.

Les faits

Première étape du cas pratique, l’analyse des faits. Contrairement à un cas réel, les faits sont souvent limités à ce qui est utile pour le cas, vous n’avez pas à extraire les informations importantes de 200 pages de pièces. Mais il faut quand même les choisir pour la question précise que vous traitez, et les qualifier.

Choisir les faits pertinents

Souvent, les énoncés de cas pratiques sont longs, voire très longs. En général il n’y a pas de faits « parasites », uniquement là pour vous mettre sur des mauvaises pistes, ou en tout cas pour noyer les faits intéressants, mais ça peut arriver. Là, ce sera surtout du feeling et de la tradition selon vos IEJ et vos profs !

Dans tous les cas, vous avez souvent plusieurs questions à traiter sur un seul énoncé. La première étape pour chaque question est de choisir les faits qui, pour la question posée, ont un intérêt. Les relever peut paraître long et répétitif, mais c’est utile pour préciser à votre correcteur sur quels éléments vous allez baser votre réflexion. C’est aussi très utile pour ne pas perdre le cap au moment de la rédaction : vous n’aurez pas à aller repiocher dans le texte de l’énoncé les faits, il suffira de relire le début de votre cas.

Qualifier les faits utilement

Qualifier les faits, cela veut dire leur donner un sens juridique. Je voulais d’abord mettre en titre « Qualifier les faits correctement », mais je me suis rendu compte que ça devait être d’une telle évidence que ça ne servait à rien.

Je pense qu’il faut surtout qualifier les faits utilement, en étant malin par rapport à la question que vous traitez. Les faits peuvent toujours recevoir des caisses de qualifications différentes. Le but est de leur donner la (ou les éventuellement) qualification(s) qui sont utiles pour la suite de votre cas.

Petit point technique : J’estime, pour simplifier, qu’il y a trois manières de qualifier les faits :
  • leur donner un habillage juridique, lorsque l’énoncé du cas ne comporte aucune précision, on vous parle par exemple « d’une maison sur la côte », vous parlerez « d’un bien immobilier » ou « d’un immeuble » 
  • élargir la qualification de l’énoncé, lorsque l’énoncé contient déjà des termes juridiques, mais que la qualification n’est pas correcte pour la suite de votre cas, par exemple si on vous propose une « SARL », mais que la règle que vous souhaitez appliquer est commune à toutes les sociétés commerciales, n’oubliez pas de préciser qu’il s’agit bien « d’une société commerciale »
  • réduire la qualification, lorsqu’il vous faut préciser un terme juridique proposé dans l’énoncé, si on vous parle « d’une convention portant sur le transfert d’une somme d’argent, remboursée sur 12 mensualités assorties d’un taux d’intérêt de 2% », requalifiez directement en « contrat de prêt d’argent »

Encore une fois, ces précautions permettent de bien cadrer votre cas, et de le montrer au correcteur, la précision et l’efficacité étant l’un des enjeux du cas pratique, comme plus tard « dans la vraie vie » on vous demandera d’être précis dans le traitement des dossiers.

La règle de droit

Autre moitié du syllogisme, la règle de droit est sûrement la partie la plus sensible pour vous. Pourtant, c’est techniquement la partie sur laquelle vous avez dû passer 98% de vos révisions. Vous avez sûrement des connaissances assez vastes sur les règles de droit qui vont être évoquées dans les cas pratiques des épreuves, aussi l’essentiel est de la choisir, la préciser et l’appliquer correctement !

Donner une règle applicable

Cela peut paraître idiot, encore une fois, mais il faut que la règle que vous choisissez et que vous posez soit applicable aux faits que vous avez choisis et qualifiés. Mais ça ne l’est pas tant que ça, ça veut dire que votre qualification doit correspondre à la règle que vous citez par la suite, et vice-versa.

C’est ainsi que l’on fait le lien entre la mineure et la majeure du syllogisme, parce cette qualification que l’on tire des faits et que l’on retrouve dans l’énoncé de la règle (en logique, on appelle ça le terme moyen).

Lorsque vous vous relisez, faites donc bien attention qu’il n’y ait pas de décalage entre votre qualification et celle qui est dans la règle de droit !

Discuter les points sensibles…

Toutes les règles de droit ne sont pas claires et applicables directement. La plupart ont besoin d’une phase d’interprétation, et certaines d’une très grosse phase d’interprétation (80% de la responsabilité civile tient sur 3 articles, même sans ne rien connaître au droit on voit bien qu’il doit quand même y avoir une grosse part d’interprétation pour que ça tienne).

C’est là que votre qualité technique trouve à s’employer, ainsi que vos larges connaissances juridiques et votre agilité intellectuelle. Si vous n’avez rien de tout ça, vous avez quand même deux-trois connaissances et une vague idée des différentes interprétations, c’est déjà un début !

Donc n’hésitez pas à aller discuter un peu de l’interprétation ou de l’application de la règle, mais en vous concentrant sur les points sensibles, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’influencer la résolution du cas que vous avez entre les mains. Si vous passez une demi-page à discuter un point qui n’a aucun impact sur la solution, c’est du temps perdu, voire du hors-sujet.

A l’inverse, ne présentez pas non plus une règle qui est connue pour laisser de la place à des interprétations différentes comme si ces différences n’existaient pas. Si vous faites du droit ce n’est pas pour reprendre bêtement les sens premiers évidents qui sauteraient aux yeux de n’importe quelle personne qui aurait un code et un stylo.

… mais présenter une règle claire

C’est, je pense, l’un des plus gros risques en cas pratique : aller tellement dans la discussion de la règle de droit que l’on en oublie qu’on essaie de résoudre un problème. Une fois vos discussions d’interprétation faites, il vous faut en choisir une. Pas au hasard, bien sûr, il faut choisir celle qui a le plus de chance d’être appliquée « en vrai ». Si ce n’est pas évident, il est tout à fait possible d’évoquer un risque d’interprétation différente, mais vous ne pouvez pas laisser le correcteur dans le doute vis-à-vis de la règle que vous avez choisi, elle doit apparaître clairement. Tout simplement parce qu’encore une fois, dans le doute, le correcteur part du principe que vous avez tort.

Petit point personnel : J’ai déjà évoqué mon aversion pour ces concepts empreints de fainéantise intellectuelle que sont « l’insécurité juridique » et « le vide juridique ». Je vous interdis formellement d’utiliser ces termes lorsque vous choisissez votre règle de droit. De façon plus large, si vous sortez ça à un client ou un maître de stage, type « Bon, j’ai fait des recherches, et tout ce que je peux dire, bon, c’est que y a insécurité juridique, parce que je sais pas comment ça va se passer, hein, bon… », il a le droit de vous gifler. Le vide juridique n’existe pas car le juge est obligé de trancher tous les litiges, il y a donc toujours, pour chaque cas, une règle de droit qui sera appliquée au besoin. L’insécurité juridique n’est pas pertinente, car dans un litige, l’une des deux parties aura raison à la fin, et il n’est jamais possible d’être certain laquelle, il est donc possible d’évaluer les chances de succès de chacune des parties, dans tous les cas.

La solution

Normalement, c’est l’étape la plus simple, il faut reprendre les faits et la règle et les combiner. Pas de soucis majeur, pour peu qu’on respecte deux points importants.

Une solution logique

Cohérence, cohérence ! Il faut évidemment que la solution telle que vous l’exposez corresponde aux faits que vous avez évoqués et aux règles que vous avez décrites !
Pour vous assurer de rester cohérent, en vous relisant vérifiez bien qu’il n’y a pas de terme, de concept ou d’idée qui n’apparaisse pas auparavant ! L’effet serait désastreux sur le correcteur.

Une solution claire

Même point que pour la règle de droit : l’idée fondamentale du cas pratique est d’arriver à une solution : vous devez la donner, et elle doit être clairement identifiable. Bien sûr si vous avez discuté les règles de droits applicables, et qu’il reste un doute sérieux, il peut (et doit) être reflété dans votre solution. Mais vous devez donner une solution à votre cas, quoiqu’il arrive.

Voilà, ce dernier article conclut la méthode du cas pratique. J’ai donc couvert tout ce qui peut tomber aux écrits, on va pouvoir faire les derniers réglages avant le jour des épreuves, qui arrive à grand pas !

Alexandre

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