Je vous ai parlé de la mécanique profonde qui doit
sous-tendre votre réflexion dans un cas pratique, maintenant on va voir les
points importants à respecter lorsque vous rédigez effectivement votre cas
pratique.
L’intérêt, et le côté (un peu plus) sympathique du cas
pratique est qu’il vous place directement, de façon plus ou moins réaliste
(plutôt moins que plus), dans la peau d’un avocat ou au moins d’un juriste qui
fait du conseil. Il faut l’avoir en tête, car cela permet d’identifier assez
facilement les points sensibles lors de la réalisation de l’épreuve.
Les faits
Première étape du cas pratique, l’analyse des faits.
Contrairement à un cas réel, les faits sont souvent limités à ce qui est utile
pour le cas, vous n’avez pas à extraire les informations importantes de 200
pages de pièces. Mais il faut quand même les choisir pour la question précise
que vous traitez, et les qualifier.
Choisir les faits pertinents
Souvent, les énoncés de cas pratiques sont longs, voire très
longs. En général il n’y a pas de faits « parasites », uniquement là
pour vous mettre sur des mauvaises pistes, ou en tout cas pour noyer les faits
intéressants, mais ça peut arriver. Là, ce sera surtout du feeling et de la
tradition selon vos IEJ et vos profs !
Dans tous les cas, vous avez souvent plusieurs questions à
traiter sur un seul énoncé. La première étape pour chaque question est de
choisir les faits qui, pour la question posée, ont un intérêt. Les relever peut
paraître long et répétitif, mais c’est utile pour préciser à votre correcteur
sur quels éléments vous allez baser votre réflexion. C’est aussi très utile
pour ne pas perdre le cap au moment de la rédaction : vous n’aurez pas à
aller repiocher dans le texte de l’énoncé les faits, il suffira de relire le
début de votre cas.
Qualifier les faits utilement
Qualifier les faits, cela veut dire leur donner un sens
juridique. Je voulais d’abord mettre en titre « Qualifier les faits
correctement », mais je me suis rendu compte que ça devait être d’une
telle évidence que ça ne servait à rien.
Je pense qu’il faut surtout qualifier les faits utilement,
en étant malin par rapport à la question que vous traitez. Les faits peuvent
toujours recevoir des caisses de qualifications différentes. Le but est de leur
donner la (ou les éventuellement) qualification(s) qui sont utiles pour la
suite de votre cas.
Petit point technique : J’estime, pour
simplifier, qu’il y a trois manières de qualifier les faits :
- leur donner un habillage juridique, lorsque l’énoncé du cas ne comporte aucune précision, on vous parle par exemple « d’une maison sur la côte », vous parlerez « d’un bien immobilier » ou « d’un immeuble »
- élargir la qualification de l’énoncé, lorsque l’énoncé contient déjà des termes juridiques, mais que la qualification n’est pas correcte pour la suite de votre cas, par exemple si on vous propose une « SARL », mais que la règle que vous souhaitez appliquer est commune à toutes les sociétés commerciales, n’oubliez pas de préciser qu’il s’agit bien « d’une société commerciale »
- réduire la qualification, lorsqu’il vous faut préciser un terme juridique proposé dans l’énoncé, si on vous parle « d’une convention portant sur le transfert d’une somme d’argent, remboursée sur 12 mensualités assorties d’un taux d’intérêt de 2% », requalifiez directement en « contrat de prêt d’argent »
Encore une fois, ces précautions permettent de bien cadrer votre
cas, et de le montrer au correcteur, la précision et l’efficacité étant l’un
des enjeux du cas pratique, comme plus tard « dans la vraie vie » on
vous demandera d’être précis dans le traitement des dossiers.
La règle de droit
Autre moitié du syllogisme, la règle de droit est sûrement
la partie la plus sensible pour vous. Pourtant, c’est techniquement la partie
sur laquelle vous avez dû passer 98% de vos révisions. Vous avez sûrement des
connaissances assez vastes sur les règles de droit qui vont être évoquées dans
les cas pratiques des épreuves, aussi l’essentiel est de la choisir, la
préciser et l’appliquer correctement !
Donner une règle applicable
Cela peut paraître idiot, encore une fois, mais il faut que
la règle que vous choisissez et que vous posez soit applicable aux faits que
vous avez choisis et qualifiés. Mais ça ne l’est pas tant que ça, ça veut dire
que votre qualification doit correspondre à la règle que vous citez par la
suite, et vice-versa.
C’est ainsi que l’on fait le lien entre la mineure et la
majeure du syllogisme, parce cette qualification que l’on tire des faits et que
l’on retrouve dans l’énoncé de la règle (en logique, on appelle ça le terme
moyen).
Lorsque vous vous relisez, faites donc bien attention qu’il
n’y ait pas de décalage entre votre qualification et celle qui est dans la
règle de droit !
Discuter les points sensibles…
Toutes les règles de droit ne sont pas claires et
applicables directement. La plupart ont besoin d’une phase d’interprétation, et
certaines d’une très grosse phase d’interprétation (80% de la responsabilité
civile tient sur 3 articles, même sans ne rien connaître au droit on voit bien
qu’il doit quand même y avoir une grosse part d’interprétation pour que ça
tienne).
C’est là que votre qualité technique trouve à s’employer,
ainsi que vos larges connaissances juridiques et votre agilité intellectuelle.
Si vous n’avez rien de tout ça, vous avez quand même deux-trois connaissances
et une vague idée des différentes interprétations, c’est déjà un début !
Donc n’hésitez pas à aller discuter un peu de l’interprétation
ou de l’application de la règle, mais en vous concentrant sur les points
sensibles, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’influencer la résolution
du cas que vous avez entre les mains. Si vous passez une demi-page à discuter
un point qui n’a aucun impact sur la solution, c’est du temps perdu, voire du
hors-sujet.
A l’inverse, ne présentez pas non plus une règle qui est
connue pour laisser de la place à des interprétations différentes comme si ces
différences n’existaient pas. Si vous faites du droit ce n’est pas pour
reprendre bêtement les sens premiers évidents qui sauteraient aux yeux de n’importe
quelle personne qui aurait un code et un stylo.
… mais présenter une règle claire
C’est, je pense, l’un des plus gros risques en cas pratique :
aller tellement dans la discussion de la règle de droit que l’on en oublie qu’on
essaie de résoudre un problème. Une fois vos discussions d’interprétation
faites, il vous faut en choisir une. Pas au hasard, bien sûr, il faut choisir
celle qui a le plus de chance d’être appliquée « en vrai ». Si ce n’est
pas évident, il est tout à fait possible d’évoquer un risque d’interprétation
différente, mais vous ne pouvez pas laisser le correcteur dans le doute vis-à-vis
de la règle que vous avez choisi, elle doit apparaître clairement. Tout
simplement parce qu’encore une fois, dans le doute, le correcteur part du
principe que vous avez tort.
Petit point personnel : J’ai déjà évoqué mon
aversion pour ces concepts empreints de fainéantise intellectuelle que sont « l’insécurité
juridique » et « le vide juridique ». Je vous interdis
formellement d’utiliser ces termes lorsque vous choisissez votre règle de
droit. De façon plus large, si vous sortez ça à un client ou un maître de
stage, type « Bon, j’ai fait des recherches, et tout ce que je peux dire,
bon, c’est que y a insécurité juridique, parce que je sais pas comment ça va se
passer, hein, bon… », il a le droit de vous gifler. Le vide juridique n’existe
pas car le juge est obligé de trancher tous les litiges, il y a donc toujours,
pour chaque cas, une règle de droit qui sera appliquée au besoin. L’insécurité
juridique n’est pas pertinente, car dans un litige, l’une des deux parties aura
raison à la fin, et il n’est jamais possible d’être certain laquelle, il est
donc possible d’évaluer les chances de succès de chacune des parties, dans tous
les cas.
La solution
Normalement, c’est l’étape la plus simple, il faut reprendre
les faits et la règle et les combiner. Pas de soucis majeur, pour peu qu’on
respecte deux points importants.
Une solution logique
Cohérence, cohérence ! Il faut évidemment que la
solution telle que vous l’exposez corresponde aux faits que vous avez évoqués
et aux règles que vous avez décrites !
Pour vous assurer de rester cohérent, en vous relisant
vérifiez bien qu’il n’y a pas de terme, de concept ou d’idée qui n’apparaisse
pas auparavant ! L’effet serait désastreux sur le correcteur.
Une solution claire
Même point que pour la règle de droit : l’idée
fondamentale du cas pratique est d’arriver à une solution : vous devez la
donner, et elle doit être clairement identifiable. Bien sûr si vous avez discuté
les règles de droits applicables, et qu’il reste un doute sérieux, il peut (et
doit) être reflété dans votre solution. Mais vous devez donner une solution à
votre cas, quoiqu’il arrive.
Voilà, ce dernier article conclut la méthode du cas
pratique. J’ai donc couvert tout ce qui peut tomber aux écrits, on va pouvoir
faire les derniers réglages avant le jour des épreuves, qui arrive à grand pas !
Alexandre
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