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mercredi 21 octobre 2015

Méthodes générales des oraux : Attitude et petits conseils (2)



" Pouvez-vous me donner les conditions de forme de la validité d'une lettre de change?
- A l'année prochaine donc ?"
Allégorie d'un oral de droit commercial

L'attitude à avoir

J'entends par attitude, à la fois la manière de vous comporter, physiquement et oralement pendant l'épreuve, mais aussi l'état d'esprit général que vous devez avoir au cours de l'épreuve. 

Décontraction et confiance

C'est probablement l'essentiel pour pouvoir mettre en valeur le mieux possible vos connaissances juridiques. Parce que c'est bien là, la véritable difficulté d'un oral : sur un sujet précis, et en un temps très restreint, pouvoir mobiliser ses connaissances et les structurer dans une réponse cohérente et presque complète.

La décontraction est la première chose importante, sans elle vous ne pourrez pas mobiliser correctement ce que vous savez. Je vous en avais parlé pour les écrits, mais c'est encore plus crucial pour les oraux (car vous avez beaucoup moins de temps pour vous détendre et vous mettre en condition) : le stress est l'ennemi de la mémoire. Le stress est un résidu de réaction de peur primale, instinctive; or l'instinct, face à la peur ne favorise pas le cerveau dans la distribution des ressources, mais ce qui est essentiel : coeur, poumons et muscles de fuite, c'est-à-dire absolument rien d'utile pour une examen de droit.


Au contraire, si vous êtes détendus, vous pourrez mobiliser correctement vos connaissances, voire même des choses que vous n'imaginiez pas savoir. Je vous raconterai, dans un article dédié au grand oral, la grande aventure qu'il m'est arrivé au mien (okay, je sur-vends un peu, c'est n'est pas une grande aventure

La confiance, elle, est ce qui va vous permettre de donner vos réponses comme des vraies réflexions juridiques que vous avez construites et assimilées, et en lesquelles vous croyez, plutôt que comme des bouts de cours que vous avez vaguement retenu et que vous recrachez au hasard parce que ça a l'air de coller à peu près à ce que l'on vous demande.

C'est aussi ce qui va vous permettre de ne pas bafouiller pendant les questions-réponses. Si vous êtes confiants, vous parlerez clairement et vous ne tomberez pas dans les "pièges" ou les doutes que pourra proféré votre examinateur sur vos réponses.

Mais attention, la confiance ne naît pas du vide ! La confiance se base sur, et s'acquiert grâce à une connaissance quasi-parfaite de la matière, une maîtrise à la fois des détails techniques et des subtilités juridiques de chaque domaine, ainsi qu'une assimilation des enjeux principaux qui sont rencontrés dans la pratique.

Ni arrogance, ni relâchement extrême

Confiance et décontraction : point trop n'en faut. Il faut savoir ne pas trop en faire, pour ne pas tomber dans l'extrême inverse.

Trop de confiance, et vous tombez dans l'arrogance; quelle différence? Et bien être arrogant c'est être persuadé d'avoir raison, sans un instant remettre sa réflexion en cause. Croire que chaque question est un "piège", ne pas prendre la peine d'expliquer sa réponse intégralement, ou de la décortiquer et de la critiquer si l'examinateur la met en cause ou invite à la discuter. Ayez confiance, non pas en la perfection automatique de vos réponses, mais en votre capacité à raisonner et à expliquer oralement votre réflexion à votre examinateur.


Trop de décontraction, et c'est le relâchement. Au lieu d'être suffisamment détendu pour réfléchir correctement, vous l'êtes trop et n'avez aucune envie de le faire. Au delà de l'impression catastrophique de nonchalance que vous pouvez provoquer chez votre examinateur, il s'agit avant tout de vous mettre en condition. Parce que lorsqu'on est trop relâché, on ne s'accroche pas, on ne cherche pas, le cerveau, ne sentant pas d'enjeu particulier, ne tourne pas à plein régime.

Ne pas discuter l'épreuve

Je sais, et même j'espère vu le métier que vous voulez pratiquer plus tard, qu'il y a des "grandes gueules" parmi vous. Et il y a certains moments dans un oral, et certains examinateurs, qui peuvent vous donner un peu envie de "sortir" de l'épreuve, pour commencer à discuter de la pertinence du sujet, des questions, de l'attitude de l'examinateur, du calendrier, etc.

Je vous déconseille fortement de faire part de telles observations. C'est du plus mauvais effet, ça ne sert à rien, et au pire ça vous plombera. Il arrive parfois, ce n'est pas systématique mais ça peut arriver, que dans un oral sur une petite matière, si vous vous plantez royalement, mais que vous êtes correct dans votre attitude, le professeur vous mette entre 8 et 10/20. C'est sa manière de dire "Je ne peux pas vous donner de points, mais je ne souhaite pas vous en faire perdre". C'est rare, mais ça peut arriver, et ce serait dommage de vous priver de ce sauvetage. Je sais que cela m'est arrivé pour mon oral de finances publiques, que j'ai totalement raté : j'avais parlé 2 minutes, puis le professeur avait comblé le reste en me faisant un "texte à trous", il parlait en m'expliquant la réponse, puis s'arrêtait pour me laisser compléter avec les bons mots (ça ne marchait qu'à moitié). Je suis sorti de là en ayant appris des trucs, ce qui est mauvais signe en général. Mais il m'a mis 10, alors que je ne le méritais pas; c'était clairement une note de clémence.

Toutefois, je met un gros bémol : si l'attitude de l'examinateur est inadmissible (sexisme, discrimination, insultes, violence verbale ou autre), vous n'êtes pas obligés de vous taire, mais restez courtois dans la mesure du possible. Ensuite, allez directement au bureau de votre IEJ, et dénoncez-le. Car il y a des choses qu'on ne peut pas laisser passer, mais il faut se rappeler que tout ce qui se passe directement durant l'examen et sans témoin vous sera défavorable.

Quelques conseils en vrac

Je ne peux pas aborder tous les petits détails d'un oral dans les grandes parties que je vous ai proposé, il me reste des petites points que je pense intéressant de vous présenter. Les voici, sans classement ni ordre particulier.
  • Tirez les premiers : Normalement, il y a des ordres de passage pour les oraux. Mais certains professeurs ne les suivent pas, et prennent les premiers qui sont disponibles. Dans ce cas là, deux choses : 
    • présentez-vous 15 minutes avant l'heure de convocation devant la salle
    • passez dès que possible (sans vous battre non plus avec les autres), parce que ce ne sont pas les 30 minutes à relire fébrilement vos fiches devant la salle qui vont changer quoique ce soit; par contre ça va vous stresser. Passez dès que possible, et rentrez chez vous.
  • Petit point fringue et sexisme : A chaque présentation des oraux en faculté, un professeur ressort en générale un discours de cet ordre : "Pour les messieurs, présentez vous en costume, pas de shorts ou de jeans. Pour mesdemoiselles, pas de tenue trop révélatrice ou aguicheuse, restez sobres". Bon, petite chose déjà : je trouve que parler pour les hommes de tenues trop "décontractées" et pour les femmes de tenues trop "sexy", c'est très limite. Parce qu'au fond, la problématique est la même : il faut porter une tenue avant tout sobre et pro, point. Je n'aime pas cette manière de raisonner qui veut qu'un homme avec une chemise déboutonnée en haut est "négligé", alors qu'une femme sera considérée "aguicheuse"; ou qu'un short (bien sûr inacceptable) pour un homme est "une preuve de manque de respect", et pour une femme "une tentative de séduction". Une fois cela dit, mettez une tenue sobre et pro; choisissez aussi quelque chose de confortable, si cravate pour les hommes, ne la serrez pas à mort et assurez vous que votre col de chemise n'est pas trop petit; si talons pour les filles, assurez vous que vous pouvez les porter debout devant la porte de la salle d'examen pendant une heure sans que ça devienne douloureux.
  • Tout le monde s'en fout de vos excuses : Désolé, mais je dois être un peu direct. Si vous plantez votre oral, ne partez pas en excuses pour dire pourquoi vous vous êtes trompés. Votre examinateur s'en fiche, et ce serait même une faute grave de sa part de le prendre en compte. Et ça peut également l'énerver (voir au-dessus, Ne pas discuter l'épreuve).
  • Ne la jouez pas psychologique : Vous avez passé beaucoup d'oraux. Vous pensez peut-être même être un champion de la discipline, un technicien hors-pair de la discussion juridique. Quand vous entrez dans la salle, en deux coups d'oeil vous savez qui est l'examinateur en face et ce qu'il pense. Super. Mais c'est faux. N'essayez pas de juger ou d'évaluer la personnalité de l'examinateur, et de baser vos réponses là-dessus. Vous pouvez, au fur et à mesure de l'examen, voir ce qui lui plaît un peu plus ou un peu moins, mais vous êtes juristes, pas profiler. Alors basez vos réponses sur vos connaissances juridiques, pas sur votre analyse de personnalité. Surtout que pour le CRFPA, vous pouvez avoir affaires à des examinateurs très différents de d'habitude : des juges, des avocats et des profs plutôt que des chargés de TD.
  • Quand vous avez fini, taisez-vous : Beaucoup de candidats, dans plusieurs sortes d'oraux d'ailleurs, pas seulement au CRFPA, ont parfois tendance à parler, et parler, et parler, et se répéter, et ne pas s'arrêter pour meubler le plus possible le temps de l'oral. Parfois c'est par peur d'oublier quelque chose, parfois c'est pour essayer de réduire le temps consacré aux questions. Ne le faites pas; si vous avez bien structuré votre réponse (et c'est nécessaire!), une fois à la fin, vous n'avez plus rien à dire et vous n'avez rien oublié, tout ce que vous direz en plus, sera de trop, voire redondant. Et n'essayez pas de réduire le temps des questions, en général un examinateur va crescendo dans ses questions, jusqu'à ce que le candidat ne puisse plus trouver la réponse. S'il ne lui reste plus beaucoup de temps, il posera directement les questions les plus dures. Rendez-vous plutôt à l'évidence : certains sujets nécessitent moins de réponse que d'autres; n'essayez pas de les gonfler artificiellement.
  • N'écoutez pas ceux qui sortent : Si vous n'êtes pas les premiers à passer, vous allez avoir des gens sortir de la salle après avoir passé leur propre oral. En général, ceux qui attendent vont se jeter sur lui et poser plein de questions "C'est qui l'examinateur? Il est sympa? C'est dur? C'était quoi ton thème?". N'y faites pas attention. Aucune de ces questions n'a d'importance. 
    • "C'est qui l'examinateur?" -> ça ne changera pas votre réponse
    • "Il est sympa?" -> très subjectif, et à part vous foutre la trouille ça ne vous apprend rien
    • "C'est dur?" -> oui, non, ça dépend du sujet, de votre spécialité, de votre état de forme, etc. Vous connaissez la matière, vous n'allez rien apprendre sur les sujets de plus
    • "C'était quoi ta question?" -> les questions aux oraux ne sont JAMAIS surprenantes. Donc vous les avez déjà en tête, écouter celle des autres va juste vous faire vous concentrer à fond sur une seule chose, en oubliant le reste.
  • Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas parler avec les gens qui sortent, surtout si ce sont des gens que vous côtoyez à la fac depuis longtemps; simplement ne prêtez pas plus d'attention que ça à ce qu'ils peuvent dire sur le déroulement de LEUR oral.
J'espère que cette deuxième partie de la méthode générale des oraux. Nous allons maintenant pouvoir détailler un peu plus avant chacun des différents oraux que vous allez passer !

Alexandre

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