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vendredi 23 octobre 2015

Grand Oral : l'heure (et demi) de vérité



De la même manière que la note de synthèse est l'épreuve-reine des écrits, le grand oral est celle des oraux. Une matière que vous n'avez probablement jamais pratiqué, dans un format auquel vous n'êtes pas habitué, et avec un coefficient important, voire lourd. Enfin, c'est aussi la matière orale dans laquelle le jury aura le plus de facilité à vous mettre une mauvaise note si vous êtes mauvais. Ce qui se comprend assez bien : il s'agit d'une matière qui touche au fondement du statut d'avocat, la défense des libertés. Que vous exerciez ou non plus tard dans ces domaines importe peu : on va vous donner le pouvoir et la charge de le faire, autant vérifier consciencieusement que vous êtes à peu près équiper.

Nous allons parler d'abord des différences de forme avec les autres oraux, puis du contenu, brièvement car je ne fais pas de fond sur ce blog, et enfin quelques petits conseils pour que ça se passe bien.

Grand oral : un oral, en plus grand

Je ne suis pas hyper bon en titres.

Le Grand Oral est un oral portant sur les libertés publiques et leur protection. Mais par rapport aux autres oraux, le sujet sera plus dense, vous aurez une heure pour le préparer et une demi-heure d'oral. Le jury est aussi plus grand : 3 examinateurs, un avocat, un magistrat et un professeur (la sainte trinité du droit).

Tout cela est important : le grand oral est plus dense, plus aléatoire, plus exigeant. Vous devez avoir les réponses à des questions que 3 personnes, dans leurs spécialités et leurs exigences propres, peuvent imaginer.

C'est aussi l'épreuve avec le coefficient le plus fort, et celle où les notes pourront aller le plus bas, car le jury sera beaucoup moins tolérant que dans les matières techniques, aussi je pense qu'il faut l'aborder de façon encore plus sereine que les autres oraux, et être beaucoup plus volontaire. Pourquoi? Parce qu'on tolère beaucoup plus quelqu'un qui réfléchit à voix haute, argumente et construit une réponse, même fausse, que quelqu'un qui se tait après avoir dit "Je sais pas".

Le contenu : libertés, libertés chéries

A priori, pas de surprise sur le contenu, mais je vous remets le programme officiel quand même :

Protection des libertés et des droits fondamentaux
  • 1. Origine et sources des libertés et droits fondamentaux :
    • histoire des libertés : évolution générale depuis l'Antiquité jusqu'à la période contemporaine en France et dans le monde ; les générations de droits de l'homme ;
    • source juridiques, internes, européennes et internationales ;
    • libertés publiques, droits de l'homme et libertés fondamentales.
  • 2. Régime juridique des libertés et droits fondamentaux :
    • l'autorité compétente pour définir les règles en matière de libertés et la hiérarchie des normes. L'aménagement du statut des libertés fondamentales :
    • régime répressif ;
    • régime préventif ;
    • régime de la déclaration préalable ;
    • régime restitutif et droit à réparation ;
    • la protection des libertés fondamentales :
    • les protections juridictionnelles (internes, européennes et internationales) ;
    • les protections non juridictionnelles (par les autorités administratives indépendantes, par l'effet du système constitutionnel, politique, économique et social) ;
    • les limites de la protection des libertés fondamentales dans les sociétés démocratiques et dans les différents systèmes politiques ;
    • les régimes exceptionnels d'atténuation de la protection des libertés et droits fondamentaux.
  • 3. Les principales libertés et droits fondamentaux :
    • les principes fondateurs et leurs composantes :
    • dignité de la personne humaine (droit à la vie et à l'intégrité physique de la personne, bioéthique) ;
    • liberté (liberté d'aller et venir, droit à la sûreté personnelle) ;
    • égalité (devant la justice, en matière de fonction publique, devant les charges publiques, entre les hommes et femmes, entre Français et étrangers) ;
    • fraternité ;
    • les droits et libertés de la personne et de l'esprit (liberté d'opinion, liberté de croyance, liberté d'enseignement, liberté de communication) ;
    • les droits et libertés collectifs (association, réunion, liberté syndicale, droit de grève) ;
    • les droits économiques et sociaux (droit de propriété, liberté du commerce et de l'industrie, droit à la protection de la santé, droit aux prestations sociales, droit à l'emploi) ;
    • les droits du citoyen (droit de vote, liberté des partis politiques, droit dans les relations avec l'administration) ;
    • la laïcité
Tout cela est assez vaste, surtout que, comme vous le lirez plus bas, les examinateurs peuvent très bien vous emmener sur d'autres sujets, plus ou moins connexes. Ne vous avisez pas, dans ce cadre, de dire "Oui mais c'est pas dans le programme ça!".

Mais lorsque l'on vous donne votre sujet, qui sera au choix une question, un thème ou une décision d'un juridiction supérieure (Cour de cassation, conseil d'état, conseil constitutionnel, CEDH, CJUE, plus rarement des cours d'appel à mon avis), n'oubliez pas quelle matière vous passez ! Si on vous donne un sujet qui parle de droit financier par exemple, ne partez pas sur les thèmes du droit financier : essayez de retrouver ce qui, dans le sujet ou la décision que l'on vous a donné, se rattache aux libertés publiques, au risque sinon de faire un hors sujet.

Petits conseils pour passer son grand O tout en douceur

Encore une fois : décontraction ! Le Grand Oral, surtout sur la partie discussion-questions, peut partir dans tous les sens. On peut vous demander d'approfondir le sujet proposé, de faire un parallèle avec un autre domaine, ou même de parler de tout autre chose !

Or, c'est en étant détendu que vous serez agile, intellectuellement. Que vous pourrez mobiliser efficacement et rapidement l'intégralité de vos connaissances. Je vais vous donner une petite anecdote qui l'illustre bien, en vous parlant de mon expérience de Grand O.

Pour mon grand oral, j'avais tiré une décision du conseil constitutionnel sur le travail du dimanche. Si le sujet semblait être un sujet de droit social, le fond du sujet était le rôle  du législateur dans la définition des règles de droit du travail, et sa capacité à déléguer son pouvoir constitutionnel en la matière à des échelons inférieurs, notamment les accords de branche ou d'entreprise.

J'ai plutôt été bon sur la partie "exposé", puis viennent les questions. Au début, assez proche du thème, et d'un coup l'un des examinateurs commencent à m'emmener, doucement mais sûrement, vers un autre sujet. Plus précisément, vers les possibilités pour l'employeur d'utiliser un système GPS pour suivre ses employés (notamment les commerciaux). Et il me pose une question fatidique "Quelles sont les conditions pour mettre en place ce genre de système dans les voitures professionnelles des commerciaux?". Et là, sueur froide. Je ne suis absolument pas compétent en droit social, je n'en avais pas fait depuis 3 ans, et je n'avais jamais eu la moyenne de toute manière.

MAIS, quelques années auparavant, j'avais eu la chance d'aller aider à l'organisation d'un concours de plaidoirie en droit social français (qui se déroulait à Oxford, de façon surprenante), avec un cas qui portait justement sur l'installation d'un système GPS. Et en tant qu'organisateur, j'avais passé la journée à écouter des candidats répéter un nombre incalculable de fois les conditions de mise en place d'un système GPS.

Et là, en plein Grand Oral, sous la pression, mais en restant calme, tout m'est revenu d'un coup. Et je me suis mis à décrire la procédure légale mot pour mot. J'en serai totalement incapable maintenant, mais sur le moment, vous pouvez vous transcender et vous rappeler de choses que vous ne pensiez même pas savoir !

Valise de codes : c'est sûrement la partie la plus amusante (après coup) du grand oral. Les étudiants qui arrivent à la préparation avec des valises comme s'ils partaient en weekend, remplies de tous les codes possibles et imaginables (ou presque). Soyons clairs : oui, vous pouvez emmener autant de codes que vous voulez, ce qui peut sembler utile vu la largeur de l'épreuve, et la variété des domaines qui peuvent être abordés. Maintenant, sachez une chose : ils ne vous serviront probablement à rien. Donc emmener les, mais par pitié, ne les ouvres pas avant les dernières 20 minutes de la préparation, quand vous avez déjà quasiment terminé la rédaction de ce que vous voulez raconter. Si vous commencez à vous perdre dans vos codes dès la première minute, c'est foutu.

Préparer ses notes : Je l'avais déjà dit sur la méthode générale des oraux, il est important de prendre des notes claires au brouillon qui vous serviront de support pour votre exposé. Des notes seulement, pas des phrases, sinon votre exposé va être catastrophique au niveau présentation. Autant sur un oral technique, on peut envisager, si on connaît la matière par coeur et que la question est ultra-simple, de passer sans note, tout dans la tête, hop ! Autant vos notes doivent être parfaites pour le Grand Oral, car vous ne tiendrez pas la distance avec des notes bâclées.

Je pense qu'il n'y a pas grand chose d'autre à ajouter, cet article et celui sur la méthode générale des oraux devraient suffire à vous donner une première idée sur comment tout cela va se dérouler ! Si votre IEJ organise des "Grand O blancs", je vous recommende fortement de vous y inscrire, même si vous n'êtes pas au point sur le fond du droit : au moins vous aurez déjà une première expérience "pour du beurre".

Bon courage à tous !

Alexandre

1 commentaires:

  1. Salut Alexandre,

    Concernant ton anecdote, je veux bien croire qu'on puisse être capable de se transcender le jour J. Mais finalement, si tu n'avais pas vécu cette histoire de concours d'éloquence à l'étranger, comment aurais-tu appréhendé cette même question sans aucune connaissance sur le sujet ?

    Merci,

    Antonin

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